Tribune : l’IA bouleverse la fraude à l’assurance auto. Il est temps d’en faire un levier de confiance.

Par Christophe Dandois | le 4 juillet 2025 | 6 min. de lecture
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La fraude à l’assurance est aussi vieille que l’assurance elle-même. Depuis toujours, le secteur compose avec des pratiques plus ou moins marginales voire industrialisées : une déclaration enjolivée, une omission stratégique à la souscription, une facture complaisante après un sinistre jusqu’à des réseaux structurés. Les assureurs connaissent ces dérives, et ont appris à les détecter, les intégrer, parfois même les piloter à la marge. Car dans un modèle fondé sur la mutualisation du risque, un taux de fraude est considéré comme un coût inhérent, intégré aux équilibres techniques .

Mais aujourd’hui, cet équilibre est rompu. Non pas parce que la fraude a changé de visage, mais parce que les outils pour la commettre ont changé de nature. Ce que l’intelligence artificielle bouleverse, ce n’est pas le principe de la fraude. C’est sa vitesse, sa simplicité, son accessibilité. Là où l’intention malveillante était autrefois freinée par la complexité de la mise en œuvre, elle peut désormais s’exprimer en quelques clics, sans compétence particulière. La fraude devient instantanée, désintermédiée, industrialisable.

La technologie au service d’une fraude plus rapide et plus massive

La démocratisation des outils d’intelligence artificielle générative permet aujourd’hui de créer des preuves entièrement fictives : images de dommages, constats d’accidents, devis de réparation, attestations diverses. Un faux dossier peut être produit en quelques secondes, avec un niveau de réalisme tel qu’il échappe souvent à l’œil humain. Il ne s’agit plus d’une fraude artisanale. Il s’agit d’une fraude automatisable.

Les premiers effets sont déjà mesurables. En France, la fraude détectée en assurance automobile a progressé de 26 % entre 2022 et 2023, atteignant près de 237 millions d’euros. Ce chiffre ne reflète que la partie émergée de l’iceberg. Les gestionnaires constatent une hausse marquée des dossiers suspects, notamment dans les petits sinistres, ceux qui passent sous les radars de la vigilance classique. Les fraudeurs s’adaptent. Ils savent où frapper pour minimiser les chances de détection.

Ce phénomène est amplifié par la circulation de modèles de fraude préformatés, disponibles en ligne, et par la facilité à usurper une identité, à générer de faux justificatifs, ou à manipuler une déclaration. L’IA devient le bras armé d’une fraude à bas bruit, difficile à contenir avec les outils du passé.

La majorité des assurés ne fraudent pas : le paradoxe de la non-déclaration

Et pourtant, cette montée en puissance technologique ne doit pas conduire à une suspicion généralisée. Car un autre chiffre vient rappeler une réalité plus complexe : seuls 11 % des Français déclarent avoir déjà fraudé leur assurance. En revanche, près de 30 % admettent avoir renoncé à déclarer un sinistre. Pas par malveillance, mais par peur de voir leur prime augmenter, ou par découragement face à la complexité des démarches.

C’est là le paradoxe fondamental de l’assurance aujourd’hui : la fraude augmente, mais la défiance aussi. Les assurés honnêtes, ceux que le système est censé protéger, hésitent à faire appel à lui. Ils perçoivent l’assurance comme un risque en soi, une opération qui peut se retourner contre eux. Dans ce contexte, la technologie ne doit pas servir à renforcer les soupçons, mais à restaurer la confiance.

Car la fraude ne menace pas seulement l’équilibre technique. Elle fragilise le contrat de confiance entre assurés et assureurs. Ce lien, essentiel à la viabilité du modèle, se fissure lorsque l’usager de bonne foi redoute davantage son assureur que l’aléa qu’il subit.

L’intelligence artificielle, levier de détection mais aussi de fluidité

Il serait illusoire de penser pouvoir répondre à cette fraude nouvelle avec les outils d’hier. Face à une fraude algorithmique, il faut une détection algorithmique. L’intelligence artificielle, lorsqu’elle est bien déployée, permet d’analyser des volumes massifs de données, de repérer des incohérences statistiques, de scorer des comportements suspects et d’alerter de manière proactive.

Des algorithmes de vision par ordinateur peuvent identifier des manipulations visuelles. D’autres sont capables de détecter des incohérences temporelles ou géographiques dans les déclarations. Certains systèmes analysent même les schémas déclaratifs dans le temps pour anticiper les récidives ou repérer des fraudes en série. Ces outils, déjà en usage dans de nombreuses compagnies, multiplient par deux ou trois le taux de détection de fraude par rapport aux méthodes traditionnelles.

Mais surtout, ils permettent d’accélérer le traitement des dossiers sains. C’est là l’enjeu essentiel : ne pas faire de la lutte contre la fraude une machine à ralentir les parcours honnêtes. L’IA peut trier, fiabiliser, sécuriser, et ainsi rendre à l’assuré de bonne foi une expérience plus simple, plus rapide, plus fluide.

Une réponse ne peut être que collective

La sophistication de la fraude rend indispensable une réponse concertée. Aucun acteur, aussi bien équipé soit-il, ne pourra durablement faire face seul à une menace qui franchit les frontières des systèmes, des marques, des juridictions. L’interconnexion entre assureurs devient une nécessité. Elle suppose de dépasser les logiques concurrentielles pour entrer dans une logique de mutualisation de la détection.

Cela implique la standardisation des formats de déclaration, le partage sécurisé de données pertinentes, et le déploiement d’infrastructures communes de vérification. C’est aussi une question de souveraineté technique et de résilience du secteur. L’initiative FIDA, qui vise à structurer une réponse coordonnée aux nouvelles menaces de fraude numérique, va dans ce sens. Elle mérite d’être soutenue et renforcée.

La technologie n’est utile que si elle est partagée. Et face à une menace systémique, la réponse ne peut être qu’écosystémique.

L’IA peut restaurer la confiance, si elle est bien orientée

L’intelligence artificielle révèle les failles, mais elle offre aussi les moyens de les combler. Elle exacerbe les risques, mais elle donne aussi les outils pour mieux les comprendre, les prévenir, les neutraliser. Le secteur de l’assurance auto est à un tournant : il peut subir cette bascule technologique, ou il peut la saisir comme une opportunité de refondation.

La priorité ne doit pas être de renforcer la suspicion, mais de rétablir la transparence. L’IA ne doit pas servir à surveiller davantage, mais à mieux prouver, mieux sécuriser, mieux accompagner. Elle peut devenir un socle de confiance renouvelée, à condition de rester au service de l’équité, de la fluidité, et de l’intelligence collective.

La fraude n’a pas disparu. Elle a changé de forme. L’assurance, elle aussi, doit changer de stratégie.

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